Mais, les faillites des banques d'affaires et la mise sous tutelle des organismes de financement immobilier ne sont qu'un volet de ce cataclysme qui se prolonge en ce mois de septembre aux assureurs. Et, les rumeurs les plus folles commencent à circuler sur le géant de l'assurance américain AIG (American international Group) et sa prochaine faillite. Et, pourtant il n'y a pas si longtemps cette entreprise était des plus prospères aux Etats-Unis et pas plus loin qu'en 2006 il a dégagé 14 milliards de bénéfice net pour 74 millions de clients et 106 000 employés. Les rumeurs de faillite vont se confirmer de jour en jour et risquer de mettre fin à une fabuleuse histoire commencée en 1919 à Shanghai. Durant cette histoire et jusqu'en 2005, cet assureur n'a connu que deux présidents son fondateur Cornélius Starr et à partir de 1968 Maurice Greenberg.
Après sa création en 1919, l
AIG a connu une importante diversification sur les marchés extérieurs en misant sur la croissance asiatique. Un retour aux sources qui lui a porté bonheur et a contribué à sa montée en puissance. En effet, AIG s'installera en Asie dès 1987 et tirera profit de l'ouverture économique en Chine et s'y établira en 1993. Par ailleurs, le groupe s'est largement diversifié par le biais d'une série d'acquisitions. Les activités du groupe allaient des activités classiques d'assurance au leasing d'avions. Il s'est également engagé dans les activités de subprimes dans les années 90 et il est devenu rapidement un acteur majeur sur le marché des CDS (Credits Default Swaps) qui assuraient contre le risque de défaillance des crédits immobiliers. Du coup, AIG est devenu un acteur essentiel sur les marchés immobiliers et sa faillite a pu emporter les marchés financiers.
Mais, les rumeurs sur les difficultés de AIG étaient persistantes et son cours boursier s'est effondré de 93% en un an. Or, au début de ce mois de septembre, ce ne sont plus des rumeurs mais des certitudes sur la faillite de AIG. L'administration américaine savait le risque que cette faillite pouvait avoir sur des marchés déjà au bord de la crise de nerfs. Elle invite Goldman Sachs et JP Morgan Chase de réunir un groupe de banques capables d'apporter son appui à AIG et surtout de réunir les 75 milliards de $ pour lui permettre d'honorer ses engagements. Or, ses efforts échouent et les banques se montrent peu pressées à répondre à la requête de l'administration. Henry Paulson tente une dernière tentative avec son ancienne banque la Goldman Sachs.
Ainsi, AIG est "too big to fail" (trop grand pour faillir) et dès le 17 septembre le trésor annonce un plan de sauvetage en prêtant jusqu'à 85 milliards de $ car précisait le communiqué de presse "dans les circonstances présentes, une faillite non contrôlée d'AIG pourrait augmenter la fragilité déjà significative des marchés financiers, générer une hausse substantielle du coût du crédit, réduire la richesse des ménages et affaiblir la performance économique ». Cette avance permet à la FED
Cette prise de contrôle par les autorités fédérales de ce mastodonte qui risquait d'accentuer le désarroi des marchés a eu pour effet une hausse modérée sur les grandes bourses internationales. Comme si elles voulaient souffler après cette panique. Mais, le doute et la nervosité restent présents sur les marchés. Et, la question se pose toujours sur l'épilogue de cette crise et son dénouement!
On pensait que les interventions des banques centrales étaient suffisantes et que la prise en charge de AIG par le gouvernement américain allait rassurer les marchés. Mais, rien n'y fait et la crise paraît beaucoup plus profonde et les inquiétudes ne font que s'accélérer au fil des heures. Les plus grandes places financières partent à la baisse le jeudi 17 septembre et le Dow Jones et le Nasdaq ont connu une baisse de plus de 4% à Wall Street. A Paris, le CAC 40 a décliné de 2,14%. Les autres grandes bourses européennes dont Francfort, Amsterdam et Bruxelles connaissaient la même tendance à la baisse. En Asie, les bourses de Shanghai et de Hong Kong étaient également en déclin et à Moscou la bourse RTS était carrément fermée pour faire face à la nervosité des marchés.
Alors que les marchés étaient plus nerveux et la tempête ne cessait de s'amplifier, les rumeurs ne cessaient de circuler sur la situation financière de certaines banques d'affaires et notamment les deux dernières de Wall Street Morgan Stanley et Goldman Sachs. L'action de la Morgan avait connu une chute spectaculaire en perdant plus de 50% de sa valeur passant de 40 à 15$. Les temps ont beaucoup changé et les prestigieuses banques d'affaires ont perdu de leur prestance et perdent désormais l'une après l'autre leur indépendance pour des banques universelles. Désormais, les beaux joyaux de la finance de New York et les belles de Manhattan se trouvent dans les bras de ces petits banquiers à la petite semaine peu respectés de tout temps par les banquiers d'affaires. Manhattan racontera longtemps l'histoire de ce septembre noir où il a perdu ses admirables et célestes demoiselles qui se sont réfugiées dans les bras de ces gluants petits banquiers de province. Morgan Stanley est désormais à la recherche d'une repreneur et des rumeurs évoquent une prise de contrôle jusqu'à 49% de son capital par le fonds souverain China Investment Corporation. D'autres évoquent une banque de détail américaine, la Wachovia. La situation de l'autre survivante des banques d'affaires, la Goldman Sachs, n'est pas plus reluisante. L'action a plongé fortement passant de 170 à 100$. Le président de Goldman Sachs, John Mack, a beau rassurer ses employés et les marchés en répétant à qui veut le croire que les revenus et le bilan de la banque sont bons et ne suscitent aucune inquiétude. Rien n'y fait! Les rumeurs vont bon train sur l'état de santé de sa banque et certaines avancent qu'il aurait reçu une fin de non recevoir de la part de Citigroup avec laquelle il espérait négocier un rapprochement. Une réaction qui en dit beaucoup sur la situation financière de la Goldman.
Ces rumeurs sur la mauvaise santé financière des grandes banques ont nourri les tumultes sur les marchés et la fin de la semaine s'annonçait encore plus agitée. Elle pourrait même être fatale selon certains experts. Ces inquiétudes sont exprimées pour la première fois depuis le début de la crise par le Président Georges Bush qui a reconnu le jeudi 17 septembre qu'il était "inquiet de la situation sur les marchés financiers, au même titre que les américains". Le jour même, la FED annonce qu'elle a entrepris une action coordonnée avec la BCE et les banques centrales anglaise, canadienne, japonaise et suisse pour injecter la bagatelle de 180 milliards de $ pour venir en aide aux banques en difficulté. Mais, en plus de cette action conjointe, les banques centrales avaient prévu des initiatives sur leurs propres marchés. Ainsi, la FED a mis la somme de 25 milliards de $ sur le marché américain et la BCE 25 milliards d'euros pour venir en aide aux banques européennes.
Trop peu et trop tard, semble être la réaction des marchés financiers par rapport à ces différentes actions pour faire face à cette panique qui est en train de se transformer progressivement en une crise systémique. Et, les regards se sont orientés de nouveau vers les autorités américaines pour une action de grande envergure avant la fin de cette semaine et rassurer les marchés lors de ce week-end. Ainsi, l'annonce est venue le vendredi 19 septembre lors d'une conférence de presse du président George Bush qui a annoncé en milieu d'après midi qu'il allait demander l'accord du Congrès sur un plan de sauvetage sans précédent. Ce plan se justifie, selon le Président américain, par le fait que "l'économie américaine fait face à des défis sans précédent, qui réclament des mesures sans précédent". Un autre aspect de cette intervention est de mettre l'accent sur l'importance des moyens qui seront mobilisés pour faire face à cette crise et la juguler avant qu'elle n'emporte le système dans sa totalité. Le Président américain rajoute que "ces mesures réclament que nous engagions un montant considérable de dollars du contribuable". Le sénateur républicain Richard Shelby a avancé un montant sans précédent de 1 000 milliards de $ pour faire face à cette crise et aider les banques à se débarrasser de leurs actifs "toxiques". Une somme importante et sans commune mesure avec tous les plans de sauvetage mis en place dans l'histoires des Etats-Unis. Mais, une intervention nécessaire qui coûtera moins cher a expliqué Henry Paulson, le Secrétaire au trésor, "que l'alternative : une série continue de faillites d'institutions financières, et le gel du marché du crédit".
Les détails de ce plan devraient être finalisés lors de ce week-end du 20 et 21 septembre. Mais, d'ores et déjà certains experts recommandent la création d'une agence publique chargée de la reprise des actifs financiers toxiques qui plombent les bilans des banques. Paul Volcker, l'ancien président de la FED, a appuyé l'idée de la création d'une nouvelle Resolution Trust Corporation qui a été en charge entre 1989 et 1995 de gérer les 400 milliards de $ de passif hérités des caisses d'épargne insolvables. D'autres pays ont mis en place ce type d'agence afin d'aider les banques et leurs systèmes financiers à sortir des crises. Le Japon a mis en place une institution, la Resolution & Collection Corp qui a pu traiter en sept ans 70 milliards de créances douteuses. Par ailleurs, la Corée a mis en place le même type d'organisme pour aider ses banques à sortir de la crise de 1997. Ainsi, entre 1997 et 2002, la Korea Asset Managment Coporation a aidé les banques à traiter près de 50 milliards de créances douteuses. La Suisse a également connu la même expérience en créant en 2000 la Fondation de Valorisation qui a été chargée de reprendre 5,3 milliards de francs suisses de créances douteuses de la Banque Cantonale de Genève.
Ainsi, les expériences ne manquent pas en matière de gestion des crises bancaires et de prise en charge des créances douteuses des banques. La nouvelle initiative américaine aura deux défis majeurs: l'un à court terme qui devra aider les banques à sortir de cette crise de liquidité et empêcher des graves faillites et l'autre défi est à long terme d'aider les grandes banques à se débarrasser de leurs créances douteuses et à nettoyer leurs bilans. Cette nouvelle initiative a été, comme on peut l'imaginer, bien accueillie par les marchés qui sont repartis à la hausse avec une croissance record pour le CAC 40 sur une journée de 9,27%. Les prochains jours devraient nous indiquer si ce plan de sauvetage réussira à convaincre les acteurs et à faire face à cette panique financière.
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