Depuis son invention par l'économiste en chef de la banque Goldman Sachs, Jim O'Neill, la notion de BRICs qui désigne les nouveaux pays émergents (Brésil, Russie, Inde et Chine) est un large succès et a connu un usage sans précédent de la part des médias, des hommes politiques et des experts internationaux. Il faut dire que si au moment de son invention, ce concept ne correspondait qu'à une réalité économique, aujourd'hui, ce concept et ce groupe de pays deviennent de plus en plus une réalité politique incontournable et sa reconnaissance par les grands pays est probablement l'un des développements les plus importants lors de ces dernières années. Cette réalité politique prend forme ces dernières années avec la multiplication des forums et des rencontres internationales regroupant les responsables politiques des différents pays afin de les aider à définir de manière beaucoup plus cohérente leurs positions et afin de peser sur l'organisation du monde et de mieux faire entendre leurs voix. Aux réunions des ministres des affaires étrangères qui sont organisées annuellement entre ces pays depuis 2006, sont venus s'ajouter désormais les sommets des chefs d'Etats dont le premier a eu lieu en Russie en juin 2009 et le second à Brasilia en avril 2010. Parallèlement à ces rencontres politiques, les responsables économiques et financiers des BRICs ont multiplié les rencontres afin de coordonner leurs positions à la veille des grands sommets mondiaux. Ainsi, les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales, des hommes d'affaires, responsables de think tank ainsi que des dirigeants de la société civile de ces pays se retrouvent de manière beaucoup plus fréquentes depuis l'éclatement de la crise.
Mais, ce rôle politique de plus en plus marqué est venu renforcer un poids politique grandissant de ce groupe de pays dans l'économie mondiale. Quelques indicateurs suffisent pour montrer ce rôle et cette présence des BRICs dans la globalisation. Ces pays représentent les économies les plus larges qui sont en dehors de l'OCDE, le club fermé des nations les plus riches. Par ailleurs, il s'agit des quatre pays en développement qui ont un PIB annuel supérieur à un trillion de $. Mais, surtout ces économies ont connu depuis le début de ce siècle une croissance forte qui, pour au moins deux d'entre-eux, la Chine et l'Inde, était à deux chiffres. Certes, la crise a touché cette croissance qui a été moins forte en 2009. Mais, en dehors de la Russie, les autres pays ont connu une reprise forte de leur croissance et ne sont pas loin de retrouver les niveaux d'avant crise. Par ailleurs ces pays ont amélioré leurs avantages compétitifs ce qui leur a permis de réviser leurs performances économiques et la Chine est devenue le premier pays en développement à dépasser l'Allemagne pour devenir la principale puissance exportatrice.
Mais, les signes de la puissance économique ne se limitent pas aux performances en matière de croissance, mais concernent également les réserves accumulées. Il faut dire que cette politique d'accumulation de réserves dans les pays émergents ne date d'aujourd'hui et ses origines remontent à la crise que ces pays ont connu dans les années 1990 et particulièrement la crise asiatique de 1997 où ils ont dû faire appel au FMI pour faire face aux massifs de capitaux. Depuis lors, l'accumulation de réserves est devenue une politique systématique pour les pays émergents et en quelque sorte une assurance pour la balance de paiement. Mais, cette assurance a coûté cher à l'économie mondiale et beaucoup d'experts ne sont pas loin de penser que ses réserves ont nourri l'économie d'endettement qui s'est mise en place dans les pays déficitaires. Et, aujourd'hui les grands institutions internationales dont le FMI et la Banque mondiale ne cessent d'appeler ces pays à réorienter leur développement vers leurs marchés intérieurs.
Mais, en dépit de ces appels, les réserves des pays émergents restent importants et les quatre pays font partie des dix pays ayant les plus larges réserves. Les BRICs disposent de près de 40% des réserves mondiales et la Chine a aujourd'hui un trésor de guerre de 2,4 trillion de $ ce qui lui permet d'acheter les deux tiers des entreprises cotées au Nasdaq. Mais, les facteurs économiques ne sont pas les seuls ressorts de la puissance des BRICs. D'autres facteurs sont également mis en avant pour expliquer le poids croissant de ce groupe de pays. Parmi ces facteurs, il faut noter la population. En effet, ces pays disposent de plus de 70% de la population mondiale ce qui leur confère un nouveau facteur déterminant dans la compétition mondiale.
L'ensemble de ces facteurs ont été à l'origine du renforcement de ce groupe de pays émergents devenus rapidement des acteurs majeurs de l'économie mondiale. A cette force économique qui a été conforté par la crise avec la dépression qui sévit dans les pays développés, ces pays ont commencé à jouer un rôle politique de premier plan. Ainsi, ils ont commencé à être invité aux grands sommets mondiaux et aux sommets du G8 bien avant l'éclatement de la crise. Avec le lancement du G20, ces pays sont devenus des piliers majeurs de la nouvelle gouvernance mondiale qui se met en place. Le FMI et la Banque mondiale ont opéré des réformes de leur gouvernance pour favoriser une plus grande présence des BRICs dans la prise de décision.
Toute la question est donc de savoir si les BRICs constituent un groupe assez homogène et cohérent pour imposer une vaste réforme de l'ordre international et proposer une direction alternative à un Occident en crise?
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